Chapitre 6

 


Bibliothèque de l'Université Del Cauca - 10:30

Dès les premières secondes, j'en ai le souffle coupé. Si "immense" est le mot utilisé pour définir les plus immenses batisses, alors il faudrait songer à en inventer un nouveau.

C"est comme de se prendre en pleine face le toit de la Chapelle Sixtine, de ramasser de plein fouet le métropolitain new-yorkais ou bien de se prendre uen granden claque dans la gueule.

Fin de la métaphore

Santos n'en finit pas de s'extasier devant ma réaction. Prenant comme une victoire ma tronche de cake béat devant ce symbole architecturale colombien.

Les murs haut de 20 mètres semblent n'en plus finir. Des milliers, des millions de livres

s'étalent le long des grandes rangées pareils à de beaux rails de voies ferrées suspendues dans les airs.

Si ils avaient été de formes octogonales ces murs de livres m'auraient fais penser aux alvéoles d'une ruche.

Voilà ce qu'est cette bibliothèque : une ruche. Une belle, grande et formidable ruche.

Et comme dans toutes les ruches, on peut y trouver les ouvrières, les besogneuses, les gardes, les éclaireurs, les penseurs, les travailleurs qualifiés, les brasseurs de vent, les remues-meninges, le sauthentiques, les ennuyeux, les pinces sans rires, les coincés, les yeux en coins, les insolites, les effarouchés...

Finalement seul manque l'essentiel. Le plus important sans lequel une ruche ne serait pas une ruche : une reine.

Une authentique, comme on en fait plus. Pas une de ces apprenties formidables toute enrubannées de chiffon et de misère et sans aucune grâce pour maintenir le tout.

Uen véritable pro de la beauté assassine et de l'efficacité, uen experte en concassage de coeur. Une terrible, une Tartare, une sans pitié-je-lache-rien.

Une reine parmi les reines quoi !

Dommage cela aurait pu faire une belle ruche.

Mais au fait, les ruches colombiennes se passent peut-être d'une reine ? Les ouvrières se font des rails de coke et les éclaireuses se shootent à la marijuana pure colombie, toute la journée.

De vraies junkies déguisés en abeilles.

On les imagine bien, jouant aux cartes, un verre de whisky à la pâte et une paire d'as planquée sous leurs ailes.

Y a pas à dire ce sont de vraies flibustières ces abeilles colombiennes.

Malgré tout, je persiste à penser, qu'une reine aurait bien fait dans le tableau.

« Vous pouvez prendre ces fresques en photo, elles feront sensations votre article. »

Santos est aimable mais bien naïf. Je me voies bien, proposant mes clichés de peintures murales pour illustrer mon article traitant de sordides affaires de prostitution.

Exemple : « Les réseaux colombiens de prostitution n'hésitent plus à enlever de jeunes adolescentes pour les vendre au plus offrant, tout en prenant soin de leur voler leur identité et leur innocence. Nombreuses sont les jeunes filles de moins de 16 ans que l'on retrouve putains sur les trottoirs de Las Vegas, entre le casino maquillé en   contes de fées et le concessionnaire de voiture de luxe. Une vie gachée...parfois avortée. » et HOP là-dessus je te colle une photo de représentation picturale trés proche de la vache à trois cornes ou du Mariachis en sombrero.

Ce serait effectivement du plus bel effet et la meilleure façon de foutre par terre la ligne éditoriale du journal et me faire lourder comme une merde.

Merci Santos. Riche idée.

Quoiqu'il en soit, je déclenche mon instantané et ne laisse rien échapper.

« Venez par ici, c'est encoreplus beau. Il me semble que vous vouliez du grandiose. Suivez moi. »

Réflexion : Il m'arrive souvent de me demander si nous autres humains, pur alchimie de chair et de sang, sommes fait pour le spirituel. Je veux dire, intrinséquement. Tout dans nos vies nous pousse vers le physique, le concret. Il semble si difficile , oui, ô combien difficile de se vouer à autre chose qu'à la réussité matérielle. Surtout évoluant dans un environnement outrancier de consommation et de tentation. Où faudrait-il commencer notre quête spirituelle ? Comment nous y prendre ? A qui nous adresser ? Vers qui nous tourner ? La religion ? Déjà essayé ! Trop impalpable, trop contraignant.

La littérature. Trop dense, trop compliqué. Les rêves ? Peut-être. Qui sait. Si j'arrivais seulement à m'en rappeler un.

Peut-être que la solution se trouve à côté de nous, juste sous nos yeux. Dans les choses qui semblent les plus anodines. Souvent, en cherchant bien on trouve. Ne cotoyons nous pas des vertiges de pureté ? A portée de nos mains.

Prenez par exemple cette bibliothèque. Ne parvient-elle pas à concilier matériel et spirituel. D'un côté une vraie réussite terrestre bien de chez nous les hommes. Un désir de vouloir s'ancrer dans le temps, de perdurer.

Et de l'autre, ce sentiment d'élévation par l'éducation, la connaissance, l'apprentissage.

Allez !!!

Il semblerait que tout ne sois pas perdu ici-bas. Et tous les principes de mondialisation et d'avidité ne tueront jamais la foi, la magie, l'abnégation, la bonté, le partage...l'amour.

 

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